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30 septembre 2014 2 30 /09 /septembre /2014 04:16

Faut-il sauver le trader Kerviel ?

La finance est le cancer de notre société. La spéculation est notre ennemie, c'est un fait. Les traders ne sont pas des personnages très recommandables, c'est évident. Alors pourquoi Jean Luc Mélenchon s'est-il mis à soutenir Jérôme Kerviel ? Kerviel, pour presque tout le monde est un méchant qui doit payer. Certains pensent avec raison qu'il n'est qu'un exécutant parmi tant d'autres et que sa condamnation ne va pas changer grand-chose, que c'est tout le système qui devrait être jugé. Certains sont même conscients qu'il est sans doute un bouc-émissaire dans cette affaire. Mais de là à aller soutenir un trader, non. La première chose qui nous vient à l'esprit est qu'il y a d'autres combats plus importants à mener. Et puis, il faut l'avouer, nous tenons à cette punition qui représente pour nous la punition de la finance. Alors, Mélenchon est-il donc devenu fou ? Est-il passé du mauvais coté de la force ? Là encore, rien n'est aussi simple que ce que l'on croit, et la punition du trader est loin d’être la punition de la finance, et c'est peut-être même le contraire.Il faut y regarder d'un peu plus près.

Jérome Kerviel est un petit trader employé par la Société Générale. Comme tous les employés, il a des objectifs à remplir et des supérieurs hiérarchiques qui contrôlent son travail. Pour sa première année en 2005, il fait gagner 5 millions d'euros à la banque, ce qui est un bon résultat puisqu'en moyenne les traders font gagner 3 millions d'euros à leurs employeurs. Pour cela, il touchera une prime de 30 000 euros bruts, ce qui est loin des salaires ou dividendes mirobolants des grands dirigeants. Non, Kerviel est un petit gars issu du peuple, il ne joue pas dans la même cour.

Pour 2006, sa direction lui fixe l'objectif d'un gain de 5 millions d'euros. Il réussit à en gagner le double. Sa prime sera de 60 000 euros bruts. Kerviel est pris au jeu, on lui en demande toujours plus, c'est un encouragement à jouer de plus en plus gros. Et là attention, je ne cautionne pas ses agissements. Il est coupable, comme tous les traders, de participer à une entreprise criminelle à bien des égards, même si ce n'est pas lui qui en profite le plus.

Pour 2007, on lui fixe un objectif de gain de 10 millions d'euros. Il fera gagner, tenez-vous bien, 1,5 milliards d'euros à la banque, jouant avec des sommes pouvant atteindre 50 milliards d'euros. La banque était pertinemment au courant depuis longtemps que de tels gains ne pouvaient pas s'obtenir sans infractions au règlement, mais elle laissait faire. Pourtant en janvier 2008, elle décide de stopper Kerviel. Elle dénonce ses investissements risqués et revend immédiatement tous les titres en cours, causant une perte de 6,4 milliards d'euros. En retranchant les 1,5 milliards qu'il venait de faire gagner, on impute donc à Kerviel une perte de 4,9 milliards d'euros.

Pourquoi ce soudain revirement ? Début 2008, c'est le début de la crise des subprimes. La banque a joué avec ces actifs toxiques et y a perdu 2 milliards d'euros. Difficile à justifier, et les clients risquent de perdre confiance. La banque ne peut pas se le permettre. Alors la culpabilité d'un homme peut faire diversion. La banque annonce la perte due aux subprimes le même jour que la perte imputée à Kerviel. La coïncidence est quand même troublante. Et il manque encore un élément très important pour comprendre le rôle qu'a joué la banque : il existe un mécanisme en France qui veut que l'état indemnise une banque à hauteur du tiers d'une perte due à une fraude dont elle est victime. Ici, avec une perte d'environ 5 milliards d'euros, la banque a pu demander 1,7 milliards d'euros à l'état. Ce que le ministère de l'économie et des finances dirigé par Christine Lagarde s'est empressé de verser très rapidement. La banque n'aurait pas pu prétendre à une indemnisation pour les subprimes car il n'y avait pas fraude. Il lui fallait un fraudeur, et Jérôme Kerviel avait le profil du coupable tout trouvé.

Il a donc été jugé, et comdamné, outre la prison, à rembourser 4,9 milliards d'euros à la Société Générale. Au final, la banque a épongé une grande partie de sa perte de 2 milliards avec le don de l'état de 1,7 milliards. Elle a sauvé sa réputation, tout le discrédit étant tombé sur Kerviel. Et comme Kerviel doit rembourser (théoriquement, car tout le monde sait que cela lui sera impossible), la banque peut écrire ces 4,9 milliards d'euros comme recette à venir. Le tour est joué.

 

Jean Luc Mélenchon demande donc que toute la lumière soit faite sur cette affaire qui a coûté 1,7 milliards d'euros aux contribuables. Pourquoi l'état a-t-il payé aussi vite alors que la banque n'avait pas fait la preuve de son innocence dans cette fraude ? Comme pour l'affaire Tapie, Christine Lagarde était décidément très disposée à distribuer généreusement l'argent public.

Pourquoi la banque a-t-elle liquidé aussi vite les actions achetées par Kerviel, au cours le plus bas, alors qu'elle aurait sans doute pu avoir moins de perte en attendant un peu ? Qui a profité de cette vente ?

Aucune de ces questions n'a été évoquée au procès.

Alors Kerviel n'est pas un saint, je le répète. Mais ici, il semble la victime d'une opération qui le dépasse, une injustice probable qui doit être dénoncée, et toute la lumière doit être faite dans ce dossier où de l'argent public a été extorqué. Mélenchon a fait preuve ici d'un courage particulier car il était évident que ses adversaires auraient beau jeu de l'accuser d'incohérence et de réduire son discours au seul soutien d'un trader, sans expliquer le fond du problème. Et c'est ce qui est arrivé. Une preuve peut-être qu'il fait passer la justice avant son plan de visibilité médiatique. Tant mieux.

 

A la semaine prochaine

Colombe

Colombe88@laposte.net

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