Plus de doute, le racisme est au pouvoir
Lors de l'hommage aux victimes du 7 janvier à l'hyper casher, organisé par le CRIF, Manuel Vall a condamné l'antisémitisme, qu'il vienne de l'extrême droite ou de l'extrême gauche. C'est l'habituel rapprochement entre les deux extrêmes, le raccourci simpliste et démagogique. Cependant faire l'amalgame justement sur ce sujet-là est particulièrement malhonnête et même odieux.
L'antisémitisme d'extrême droite, on voit bien ce que c'est. Marine Le Pen a beau essayé de faire oublier les plaisanteries douteuses de son père au sujet des camps de concentration, il n'en reste pas moins que cette extrême droite maurrassienne catholique et antisémite existe toujours.
Mais l'antisémitisme d'extrême gauche, c'est plus difficile à appréhender. L'extrême gauche veut combattre tous les racismes, y compris l'antisémitisme. Alors à quoi Manuel Valls fait-il allusion ? Aux terroristes de Daesh ? Ils ne sont certainement pas d'extrême gauche. Non, le seul « antisémitisme » d'extrême gauche auquel il puisse penser n'est pas de l'antisémitisme, mais de l'anti-sionisme. La différence est de taille, elle est même essentielle, au sens premier du mot, car ceux qui ne sont pas capables de la distinguer révèlent l'essence même de leur philosophie.
Les anti-sionistes sont ceux qui contestent la politique d'Israël, et ils ont pour cela quelques raisons objectives : Israël mène sur son territoire une politique d'apartheid, les citoyens juifs ayant plus de droits que les autres, et occupe indûment les territoires palestiniens, s'y comportant en colonisateur violent. Il est naturel et humain de dénoncer cet état de fait, et de tenter de faire revenir les dirigeants israëliens à la raison. L'un des moyens pour y parvenir est le boycott des produits israëliens.
Rien d'antisémite là-dedans, une simple lutte contre une injustice faite par des êtres humains à d'autres êtres humains. Or le débat est confisqué. Les pro-israëliens, ou plutôt pro-sionistes se réfugient directement derrière l'offuscation et traitent tous les opposants à la politique israëlienne d'antisémites. Même les juifs, tels Stéphane Hessel (dangereux extrémiste, comme chacun sait) y ont droit. C'est totalement ridicule. Ce refus de débattre sur le fond montre d'abord le manque d'arguments à opposer. Il est bien plus facile de pratiquer l'insulte que de tenter de justifier l'injustifiable.
Mais cet amalgame entre anti-sionisme et antisémitisme est bien plus grave que cela, car il révèle une idéologie nauséabonde. Cela signifie que l'on ne peut pas comprendre qu'il puisse exister des combats indépendants des notions de race ou de religion. Manuel Valls (comme tant d'autres), quand il condamne et soupçonne d'antisémitisme ceux qui boycottent les produits israëliens, démontre qu'il est incapable de comprendre le combat d'idées et ne peut saisir la politique autrement que par le concept d'une communauté contre une autre communauté. Il refuse de se placer sur le terrain de la justice pour tous, qui transcende toutes les cultures et les pays, et s'en tient obstinément à une conception communautariste : impossible de voir ce combat autrement que comme un combat contre tout un peuple. Impossible de considérer les hommes pour ce qu'ils font, et obligation d'en revenir à ce qu'ils représentent. Pourtant les anti-sionistes se moquent bien que les dirigeants israëliens soient juifs. Ils seraient musulmans, chrétiens, hindouistes, ou athées que ce seraient la même chose. Ce sont leurs actes qu'il faut combattre, par leur appartenance à tel ou tel groupe. C'est cette différence fondamentale que M. Valls semble ne pas faire, et c'est gravissime.
Cela mène à toutes les dérives. C'est cette idéologie qui est aussi à l'oeuvre dans d'autres dossiers : celui de la déchéance de nationalité. Peu importe qu'un terroriste soit syrien, français ou japonais. Un criminel est un criminel. Il doit être jugé pour cela. Vouloir introduire sa nationalité dans le débat est complètement inepte, et montre là encore une vision raciste ou communautariste des choses. On devrait considérer un individu au regard des ses actes. Son appartenance à telle ou telle communauté devrait être indifférent. Cela amène à considérer qu'il y aurait des nationalités supérieures à d'autres. Est-ce que cela veut dire qu'être français, « cela se mérite » ? Tous les français « de souche » sont-ils si méritants ? Dans ce cas, il faut retirer la nationalité française aux tueurs en série, aux violeurs etc... Quelle nationalité leur donner ? C'est ridiciule. Un être humain est un être humain. Point. Il doit répondre de ses actes, et uniquement de ses actes.
Cette loi sur la déchéance de la nationalité est terrifiante de bêtise, inefficace et malheureusement la preuve d'une dérive idéologique profonde.
Autre exemple : L'état d'urgence n'était pas nécessaire, car toutes les enquêtes et arrestations qui ont eu lieu depuis dans le cadre du terrorisme auraient pu avoir lieu sans cela. Il a été décrété pour trois mois. Pourquoi pas un an ? Et quand y mettre fin ? Quand le terrorisme aura été vaincu. Il ne le sera pas avant un moment, et il est à craindre que l'état d'urgence s'installe durablement. Or il pèse gravement sur nos libertés. Il donne bien trop de pouvoir à la police . Cet état d'urgence permet une répression y compris politique (combien de militants écologistes, non terroristes, assignés à résidence pendant la COP 21).
Si le Front National avait fait passer ces lois, l'aurions nous accepté ?
Combien de preuves faudra-t-il pour que le peuple réagisse ?