Les moyens pour une autre politique existent : dans les paradis fiscaux.
Les états sont endettés et n’ont pas les moyens de mener les politiques sociales et environnementales que les populations attendent. Ils sont pris à la gorge par le remboursement de cette dette et de ses intérêts. Pourtant, rien de tout cela ne serait arrivé s’il n’y avait pas eu de fraude fiscale.
En France, l’évasion fiscale fait perdre à l’état environ 60 milliards d’euros par an.
Le manque à gagner pour l'ensemble des pays de l'Union Européenne est estimé à environ 2,5 % du PIB, soit 1000 milliards d’euros par an. ( 120 milliards d'euros en Italie, et 240 milliards en Allemagne, 97 milliards de livres en Grande Bretagne …)
Aux Etats-Unis, ce seraient 330 milliards de dollars qui manqueraient.
Presque tous les pays sont touchés, et les pays en développement en souffrent encore plus, car plus fragiles et ayant moins de moyens de lutter contre ce fléau.
De nombreuses organisations, gouvernementales ou non, tentent de résister :
Le Tax Justice Network (Réseau mondial pour la justice fiscale), qui regroupe une cinquantaine d’associations et organisations indépendantes a pour objectifs de sensibiliser l’opinion publique mondiale au problème et d’encourager des actions anti-fraude au niveau national et international. « Paradis Fiscaux et Judiciaires » y participe en France.
Pour ce qui est des instances internationales, rien de bien concluant : Le G20de Londres en 2009, avait décidé de mener la lutte. La communauté internationale a mis la pression sur certains pays comme la Suisse qui a alors signé des accords bilatéraux d’échange d’information avec la France et l’Allemagne. Le résultat a été le déplacement de grosses fortunes vers des places plus sûres, comme l’Asie.
L’OCDE établit chaque année une liste des paradis fiscaux (liste noire, grise, blanche suivant le degré d’implication dans l’escroquerie). Mais c’est une duperie : la liste noire n’existe plus, la liste grise se vide elle aussi, car pour figurer sur la liste blanche des états considérés comme coopératifs, il suffit de passer des accords de partage d’informations avec d’autres pays de l’OCDE, et rien n’est plus facile que de passer des accords avec des pays amis, peut-être eux aussi compromis…
L’OCDE pilote aussi plusieurs actions, mais sans vision globale du problème et sans efficacité. Le Tax Justice Network demande la création d’un comité fiscal au sein de l’ONU qui comprend les pays en développement contrairement à l’OCDE.
Au niveau de l’ Europe, l’UE est consciente du problème, et a officiellement avancé sur certains points comme l’échange automatique d’informations et le « reporting pays par pays » des banques ( l'obligation de rendre transparents les profits et les impôts payés par les banques dans chacun des pays où elles sont implantées). Cependant elle a été freinée dans son action par les « usual suspects » : le Luxembourg, la Belgique, les Pays Bas, (on peut y ajouter l’Irlande, et le Royaume Uni) paradis fiscaux européens…En effet, à la suite de l’affaire Luxleaks (révélation d’un vaste système d’optimisation fiscale par des accords dits « rulings » entre le fisc luxembourgeois et des centaines de multinationales), une commission dite « commission taxe » a été créée à la demande d’eurodéputés du groupe Verts/ALE (Eva Joly en faisait partie). Cette commission a mis au jour les manquements de la Commission Européenne qui aurait du veiller à la communication entre états membres au sujet des rulings qu’ils signent avec des multinationales. Elle préconise de mettre en place un cadre juridique protecteur pour les lanceurs d’alerte (dont Antoine Deltour, voir ci-dessous), d’imposer réellement le reporting pays par pays, et d’établir une même définition de l’impôt pour les sociétés partout dans l’UE. Ces mesures sont jusqu’à présent bloquées par les usual suspects…
En France, après quelques petites initiatives (liste des paradis fiscaux en 2010, mais pas plus convaincante que celle de l’OCDE), est arrivée la loi bancaire de juillet 2013 qui instaure enfin le reporting pays par pays.
Cela a permis de constater que les grandes banques françaises sont bien présentes dans les paradis fiscaux : Le CCFD, Oxfam et le secours catholique entre autres, ont planché sur les données de ces « reporting pays par pays » pour les cinq plus grandes banques françaises (BNP-Paribas, groupe Banque Populaire-Caisse d’Epargne, Société Générale, Crédit Agricole, et Crédit Mutuel-CIC). Les résultats publiés le 16 mars derniers sont sans appel : ces banques réalisent au total un tiers de leurs bénéfices à l’étranger dans des paradis fiscaux (5 milliards d’euros au total), alors qu’elles n’y réalisent qu’un quart de leur chiffre d’affaires à l’étranger, et n’y emploient qu’un sixième de leur main d’œuvre à l étranger. Leurs activités y sont 60 % plus lucratives (quatre fois plus lucratives dans le cas de la société générale). Elles y possèdent même 34 filiales sans aucun salarié, mais qui réalisent pourtant des profits substantiels…
Maintenant que nous savons, à nous de bien choisir notre banque !
Il faut continuer sur cette voie de la transparence, et les ONG qui ont mené l’enquête, appellent la France à étendre maintenant l’obligation du reporting aux multinationales, et plus seulement aux banques. Un sujet qui est discuté en ce moment à l’Assemblée Nationale avec la loi sur la transparence de la vie économique.
Soutenons Antoine Deltour
Antoine Deltour, vosgien valeureux, a révélé le scandale de l’optimisation fiscale organisée par le Luxembourg. Est-ce le Luxembourg qui est poursuivi ? Non, c’est Antoine, et le journaliste de Cash Investigation, Edouard Perrin qui passent en jugement au Luxembourg à partir du 26 avril. Nous sommes tous invités à aller les soutenir le 26 avril. Un bus partira des Vosges.
Adresse du comité de soutien : https://support-antoine.org/
Colombe